"Heureux les pauvres en esprit". Qu’est-ce que Jésus a voulu dire ? — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"Heureux les pauvres en esprit". Qu’est-ce que Jésus a voulu dire ?

Prédications du dimanche 29 janvier 2017

Lecture : Mathieu 5, 1-11

 

Chères sœurs et frères en Christ,

Je pense que nous sommes tous d‘accord : le texte que nous venons d’entendre à l’instant de l’Evangile de Matthieu : « Heureux les pauvres, les doux, les miséricordieux, heureux ceux qui ont soif de justice, heureux les cœurs purs »… ce texte qu’on appelle les béatitudes, ce texte est un des plus extraordinaire, puissant et poétique à la fois, mais surtout un des plus essentiel de ce qui est sorti de la bouche du Christ. Nous sentons tous que nous touchons ici au cœur même du message du Christ.
C’est en tout cas le sentiment de Matthieu qui a placé ces paroles au début du ministère du Christ, de l’annonce de la Bonne Nouvelle. Plus précisément au début du Sermon sur la Montagne où il a réuni des paroles essentielles du Christ comme un florilège, comme un résumé de son message. Et de ce sermon sur la montagne les Béatitudes en sont l’ouverture et la porte d’entrée.
Lire, entendre et surtout vivre ces paroles c’est entrer dans le monde du Christ, dans son message pour les hommes, sa vision pour un monde meilleur. C’est s’engager sur le chemin qu’il propose à ses disciples……. c’est entrer de plein pied dans sa spiritualité, c.à.d. dans une manière de vivre, d’espérer et d’aimer.
Et cette spiritualité, ce chemin avec le Christ, à la suite du Christ, est placée sous le signe de la joie : huit fois Jésus dit Heureux es-tu si tu engages ta vie avec moi sur ce chemin !

Suivre Jésus est une invitation à la joie, la joie d’une confiance en Dieu, la joie de se tourner vers l’avenir de Dieu, la joie de se tourner vers l’amour de Dieu pour tous les hommes, la joie de se donner à la cause de la justice, de la paix, la joie de pardonner, la joie d’un cœur intègre et en paix avec soi-même et avec Dieu, la joie de la douceur du cœur et la joie de l’humilité, même la joie de se voir ridiculisé par le monde, voire persécuté pour la cause du Royaume. 
Qu’est que l’Eglise a fait, au cours des siècles, de cette joie de l’Evangile ? Qu’est-ce qu’elle a fait de cette invitation à la joie du Christ ? Elle a si souvent mis en avant, en préambule, en majuscule, le péché, la culpabilité devant Dieu, la morale, l’ascèse, l’institution, les dogmes ?? Bref, tout ce qui est si éloigné de ce cœur vibrant et joyeux de l’Evangile et des paroles du Christ lui-même !

Jésus nous invite à la joie. Pas une joie facile, pas un chemin facile. Le chemin d’aimer selon sa vision et son exemple n’est pas facile mais exigeant, parfois très exigeant. Mais c’est un chemin qui nous libère, qui nous libère de notre préoccupation éternelle et égoïste de nous-même pour nous ouvrir aux autres, à la vie, à l’ici et maintenant où se vit et concrétise l’amour et la bonté du cœur, aussi et d’abord dans la relation aux autres de tous les jours et avec mes plus proches. 
Mais il est temps de venir à mon sujet ce matin : la première béatitude ‘Heureux le pauvres en esprit car le Royaume de Dieu est pour eux.

Comment comprenez-vous cette béatitude ? Par expérience je sais qu’il nous pose le plus de problème ; que nous avons du mal à saisir ce que le Christ nous dit ici : c’est qui le pauvre en esprit ? En quoi il est heureux ? 
Pourtant c’est la première béatitude qui sort de la bouche du Christ. Pour Jésus, je pense, il est très important, fondamental, j’en suis sûr. Essayons donc de saisir avec toute notre force, âme et intelligence ce que Jésus veut nous dire ici…
Heureux les pauvres en esprit est la traduction la plus courante et connue. Les traductions heureux ceux qui se savent pauvres en eux même ou heureux les pauvres du cœur nous donnent des pistes mais demandent aussi des explications. 
D’ailleurs les 2 autres textes ce matin nous invitent clairement de voir de plus près le sens de cette première béatitude : le prophète Sophonie et l’apôtre Paul parlent d’un peuple humble et sans prestige que Dieu a choisi, dont Dieu se rend proche. Ces deux textes éclairent d’une manière très juste la parole du Christ et surtout la première béatitude, vous allez comprendre….

Il faut d’abord évoquer un problème qui se pose à tous lecteur des évangiles : Est-ce que Jésus a dit heureux les pauvres en esprit – la version de Matthieu- ou heureux les pauvres – la version de Luc ? 
Ce n’est pas la même chose : la pauvreté matérielle ou la pauvreté de l’esprit ! Luc oppose le bonheur des pauvres qui reçoivent le Royaume de Dieu au malheur des riches qui ont déjà leur salaire. Il parle donc bien de la pauvreté matérielle. Ce qui n’est pas le cas de Matthieu. 


Chers ami(e)s,  
La réponse à cet embarras de deux versions opposées est celle-ci : Matthieu et Luc ont traduit un mot araméen – la langue de Jésus en grec – la langue des évangiles – et le mot araméen qu’a utilisé Jésus avait les deux connotations. Matthieu a choisi la connotation le plus spirituel et Luc la connotation la plus matérielle ! 
Jésus a parlé de « anawine ». Ce mot trouve dans sa forme hébreu souvent dans les psaumes et souvent chez les prophètes. Il évoque littéralement ceux ou celles qui sont courbés. Et ce mot est utilisé pour parler des pauvres qui souffrent de leur pauvreté soit pour indiquer une attitude intérieure, celle de l’humilité…

Le même mot indique souvent dans les psaumes les deux réalités. Nous lisons dans le psaume 22 vs 17 « j’invite les humbles, qu’ils mangent à leur faim ». Très souvent le humble est celui qui se tourne vers Dieu pour trouver son secours en Dieu, parce qu’il sait que Dieu entend le pauvre qui crie vers lui. Dans le psaume 40 vs 18 je lis : « Moi je suis pauvre et malheureux mais le Seigneur me témoigne son estime, mon secours et ma sécurité c’est toi ». [
L’humble et le pauvre ont ceci en commun qu’ils comptent sur Dieu, qu’ils crient vers Dieu, qu’ils ne trouvent pas la force, la puissance, la solution de leurs problèmes en eux-mêmes : ils le cherchent en Dieu. 
Et c’est à cela que Jésus pense en proclamant sa première béatitude.

Le pauvre, l’humble, est dans la bible celui qui compte sur Dieu et attend tout de lui. C’est dans ce sens là que Jésus lui-même se considère devant Dieu un anawine de Dieu quand il dit « je suis doux et humble », ou encore « le père m’a tout donné ». Jésus se tourne à chaque instant de sa vie vers Dieu dans une attitude d’humilité. Pas comme un homme écrasé ou courbé, non !, mais comme un homme débout et libre qui reçoit son existence de Dieu.
C’est pourquoi Jésus a besoin de prier. Il a besoin de se recevoir de son Père ; quand il ne sait plus, quand cela devient compliqué dans sa tête, quand il est tenté…Jésus prie. Jésus aussi a besoin de se tourner vers Dieu pour voir plus clair, pour faire ce qui est juste, faire le bon choix. Jésus ne compte pas seulement sur ses propres forces, même ayant reçu l’Esprit de Dieu en plénitude et en puissance.

D’ailleurs toutes les béatitudes sont un portrait de Jésus…

C’est lui d’abord qui a soif de justice, la justice de Dieu, la volonté de Dieu ; c’est lui qui est plein de miséricorde, qui est artisan de paix, qui est pur et intègre du cœur au point de voir Dieu, qui est doux, qui est humble, qui est persécuté pour le Royaume de Dieu. C’est lui le pauvre du cœur qui attend tout de Dieu et qui a reçu le don du Royaume parce que Dieu règne déjà dans son cœur.

Or, si les béatitudes sont le portrait de Jésus lui-même nous pouvons affirmer que Jésus enseigne rien à ses disciples ce qu’il n’a pas lui-même vécu, mis en pratique, concrétisé dans sa vie !

Il ne propose pas aux autres ce qu’il n’a pas vécu lui-même ! Cela veut dire aussi ceci : ce qu’il propose n’est pas un bel idéal, une sorte d’utopie irréalisable, une illusion ou un rêve. Non, Jésus nous propose un chemin possible, réalisable, exigeant, mais concret et à notre portée. Il dit à ses disciples « suis-moi » sur ce chemin. Et il donne lui-même l’exemple. Jésus nous n’entraine pas dans un rêve ou une utopie mais sur un chemin humain, possible à chacun de nous.

Il faut conclure,

Qu’est-ce qui menace le plus notre foi ?
Peut-être ceci : notre autosuffisance. Notre autosuffisance spirituelle qui nous guette tous…et je me mets moi-même dedans……. C’est de vivre comme si notre propre intelligence, expérience, savoir-faire, personnalité, diplômes ou confiance en soi, notre force financière ou habilité sociale suffit pour faire face à tout, pour faire ce qu’il faut faire…..sans que nous avons besoin de Dieu….dans mon travail, ma vie avec les autres, mes engagements…

Il me semble que Jésus nous invite tous à trouver avec lui l’humilité pour laisser Dieu entrer dans notre vie quotidien. Et de lui dire chaque jour j’ai besoin de toi, de ta présence dans ma vie, de ton esprit d’amour pour mieux faire, mieux aimer surtout, pour mieux agir et surtout être avec les autres, aide moi à voir ce que je ne vois pas, aide moi à faire ce que je trouve difficile à faire surtout dans ma relation aux autres.

C’est cela, je pense avoir un cœur de pauvre comme Jésus, avec Jésus. Et c’est ainsi que Dieu peut vraiment venir habiter notre cœur, régner sur notre cœur. Et c’est cela le Royaume. Jésus dit à ses disciples et donc à chacun de nous : « Demandez et vous recevrez, frappez et Dieu vous ouvrira, cherchez et vous trouverez »

AMEN